Un grand nombre de dirigeants sont convaincus que, si la cause féminine est évidemment une question de morale, de manière très pragmatique, il s’agit également d’un levier de performance, de croissance et de productivité. Notamment lorsqu’il s’agit de développer un produit ou une solution grand public, destiné à toute la population.
Le sujet de la parité est au cœur des préoccupations depuis plusieurs années dans le monde du recrutement tech. Les avantages d’une équipe mixte, composée d’hommes et de femmes sont nombreux.
Tout le monde le sait - et les recruteurs les premiers - il est difficile de trouver des profils féminins sur un marché encore dominé à 80% par les hommes. Même si on trouve un équilibre de parité sur des profils de type Product Manager, Data Analyst, UI/UX.
On note encore une pénurie importante sur des développeurs back-end (notamment sur les technos Python et Java). Chez Urban Linker, nous observons à peine 10-15% de candidatures féminines sur ces profils. On a encore un long chemin à parcourir.
Pourquoi ? Car si le secteur évolue et se féminise petit à petit - avec notamment les centres de formation ou bootcamp pour les profils en reconversion - ces technos n’y sont pas étudiées ou très peu. Et ce n'est pas en 3 mois de formations que l'on peut se former au technos tels que Python.
“ C’est pour nous très compliqué de recruter des profils féminins sur du Python, car il y a peu de candidates. En revanche, je vois de plus en plus de profils Fullstack sur PHP et JS et sur les profils de Data analyst ou scientist. Chez Selency, nous tendons au maximum du possible vers la parité dans les recrutements.”, Vincent Paulin, CTO chez Selency
Un frein aussi souvent évoqué par les candidates que nous recevons en entretien, est le syndrome de l’imposteur ou de la bonne élève. Face aux offres d’emploi, les femmes attendraient d’avoir entre 70-80% des compétences nécessaires pour postuler. Là où les hommes envoient leur candidature pour un poste, avec une moyenne de 50-60% des qualités requises (tout du moins sur le CV), les profils féminins cherchent à cocher toutes les cases.
“Pour moi les femmes sont plus minutieuses, elles vont aller plus au bout des choses et mieux s’organiser. C’est un ajout important à une équipe tech. En France, nous avons une pénurie de profil sur le marché mais en Russie par exemple, il y a beaucoup plus de femmes sur la tech, notamment en back-end.”, Vincent Delaitre, Co-fondateur et CTO chez Deepomatic, qui a composé une équipe tech à 40% féminine sur une douzaine de profils.
“Les femmes vont répondre à une annonce si elles voient qu’elles cochent toutes les cases, alors que les hommes sont plus fonceurs. Je mets moins de compétences en hard skills pour ne pas pénaliser les candidatures.”, Jade Le Maître, CTO chez Emanigeurs
Il est important pour les projets, d’avoir plusieurs points de vue, pour nourrir les équipes sur les problématiques et la façon de les résoudre. Travailler au sein d’une équipe technique mixte est enrichissant des deux côtés.
La diversité constitue un puissant levier d’innovation. Rassembler des esprits différents et complémentaires favorise la créativité et donc alimente la performance. C’est un cercle vertueux, comme pour la diversité de genre.
“En tant que CTO et manager, je cherche une harmonie pour une bonne dynamique, avec des backgrounds un peu différents pour mixer les points de vue. C’est important en terme de diversité au global, que ce soit sur les origines, genres ou parcours éducationnels. Je recherche également un mix de personnes atypiques et neuro-atypiques.”, Jade Le Maître
Depuis des années nous utilisons un produit qui n’est pas adapté à la moitié de la population. Un des exemples les plus connus sur le marché est la ceinture de sécurité. Un produit conçu par et pour les hommes. Le produit ne prend pas en compte la densité de la femme, le fait que les femmes puissent être enceintes… Certains constructeurs travaillent sur ces problématiques, mais avec des décennies de retard. Si vous souhaitez en savoir plus sur ces “ratés” ou anomalies, Le Point a réalisé un article complet sur le sujet.
Autre exemple d’une application de santé - qui a maintenant fait évoluer son produit - mesurant et surveillant la prise de poids des utilisateurs, sans prendre en compte les grossesses des femmes. Nous évoluons dans un marché varié, composé de différents personas. Les entreprises dont les équipes ne représentent pas cette diversité pourraient passer à côté d’opportunités.
“J’ai travaillé dans des entreprises avec une mixité absolue et dans la construction des produits, les approches sont plus construites avec les deux angles. C’est un vrai “gamechanger” pour le rythme de l’équipe, la bonne cohésion, car la vie est un équilibre. Et au final, ça permet de canaliser plus de choses et avoir un équilibre sain.”, Vincent Paulin
On observe avec les recrutements et les entretiens effectués chez Urban Linker, que les profils féminins tendent à rester plus longtemps dans les entreprises. Le ratio est en moyenne de +20-30% de temps passé dans une même entité (principalement en startup). Une statistique qui peut complexifier encore plus la tâche aux recruteurs pour attirer ces profils.
“Un turn over plus faible sur les profils féminin rend la partie séduction plus compliquée. Je fais attention à la rédaction de l’annonce pour éviter les « on cherche le dieu du code » par exemple, un terme sur lequel les femmes ne se sentiraient pas impliquées.”, Jade Le Maître
Les entreprises mettent de plus en plus l'accent sur la valorisation en interne de leurs profils féminins, pour assurer une meilleure cohésion en interne.
"On essaye de mettre en avant les femmes en interne pour continuer à sensibiliser, et surtout à normaliser la situation d’avoir des femmes dans une entreprise Tech. En les mettant en avant, en leur confiant des rôles managériaux, des fonctions tutorales, de mentoring, en les mettant sur des projets d’envergure, et puis en continuant à les mettre en avant au quotidien sur le magnifique travail qu’elles font.", Clémentine Laurent, HR Business Partner chez Witekio.
Etre capable de bien s’exprimer et d’expliquer clairement les choses : voilà une compétence essentielle au sein d’une équipe technique. On appelle ça l’intelligence émotionnelle. Les profils féminins seront plus à l’écoute et sensibles au retour des autres pour assurer une bonne communication. Surtout si l’équipe technique a besoin de communiquer avec des clients ou d’autres départements en interne, cette compétence sera très recherchée.
D’autres compétences sont demandées par les recruteurs comme l’organisation, la minutie d’un travail clairement défini et organisé, des délais respectés, une productivité optimale... Ces qualités sont souvent dominantes chez les femmes.
Avoir l’esprit d’équipe - car les développeurs codent de plus en plus rarement tout seul dans leur coin. C’est important de pouvoir établir et maintenir une bonne cohésion en interne.
“Nous recherchons en entretien des profils qui possèdent les mêmes valeurs que Deepomatic, soit les notions de bienveillance, honnêteté, humilité et d’ambition (nous appelons ça les 3 H - Honesty, Humility, Hungry).” Vincent Delaitre
Le secteur évolue et les startups et PMEs cherchent à recruter plus de profils féminins. Mais la réalité du marché les obligent à revoir leur copie dans certains cas, comme par exemple sur les profils avec 6-8 ans d’expérience ou sur des technologies spécifiques (back-end). Les entreprises qui cherchent absolument à atteindre une parité exemplaire doivent redoubler d’efforts pour attirer et fidéliser ces profils féminins encore pénuriques.
“Lorsque je cherche un profil en back-end, c’est un process de recrutement de minimum 6 mois, on peine à sourcer et ça peut être un vrai parcours du combattant.”, Vincent Delaitre
En revanche, sur des profils confirmés de 3-4 ans, la tendance est moins vraie et les candidatures sont plus nombreuses.
“L’accessibilité au développement a aidé à la féminisation du marché, même s' il y a encore beaucoup de chemin à faire. Il faut être de plus en plus sexy pour attirer les profils féminins et parfois passer plus de temps sur les candidatures.”, Vincent Paulin
Avoir déjà un ou deux profils intégrés dans une équipe permettra également d’attirer plus de candidatures. C’est un peu comme choisir un restaurant, on aura plus envie d’aller là où il y aura du monde. Il est important pour ces candidates d’être rassuré sur la bonne intégration d’une équipe et d’intégrer un environnement de travail bienveillant. Les entreprises ont encore du chemin à faire sur ces points là.
“En interne on a étendu le congé paternité pour proposer aux employés masculins 1 mois et demi au lieu des 2 semaines réglementaires. Pour nous, la parité ça va à double sens.”, Vincent Delaitre
Il y a de plus en plus d’associations, de fondations ou de regroupements oeuvrant à la féminisation du secteur numérique. Surtout sur un marché pénurique, le bouche à oreille reste un outil puissant pour attirer des profils féminins. C’est pourquoi demander à ces organisations de diffuser vos annonces en interne pourra être une aide précieuse.
Vous pouvez retrouver toutes les associations de France listées ici.
Une startup s’est intéressée de près au sujet pour créer 50inTech, une sorte de Welcome To The Jungle, mais pour dénicher les profils féminins.
“On utilise 50intech pour pouvoir trouver plus facilement des profils féminins. C’est plus facile si je compare le marché d’il y a 5 ans. Nous avons plus de communautés de femmes dans la tech pour évangéliser et combattre les clichés et idées reçues sur les profils back-end.”, Vincent Delaitre